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LA SÉCURITÉ DES ETATS OCCIDENTAUX DÉPEND DE L'ABSENCE DE DESPOTISME DANS LE RESTE DU MONDE

Interview avec André Glucksmann

Daniela Gortcheva, Marina Ivanova

web | web

André GlucksmannAndré Glucksmann est un de philosophes contemporains les plus célèbres, un des "Nouveaux philosophes français", qui ont accompli une analyse fondamentale du totalitarisme. Ses livres et ses publications ont une influence importante sur la vie intellectuelle européenne. Il est né en 1937 à Boulogne dans la famille de juifs, émigrés de l’Allemagne nazie. Un des leaders des mouvements étudiants à Paris en 1968, André Glucksmann soutient les dissidents soviétiques pendant la période communiste, participe à Prague dans les réunions de la "Charte 77". En 1979 réunit Reymond Aron et Jean-Paul Sartre malgré leurs divergences idéologiques, afin de plaider à l’Elysées la cause des boat people (les refugiés politiques du Vietnam, du Cambodge et du Laos). Pendant la dernière décennie sa voix s’élève sans cesse pour rappeler au monde les massacres serbes en Bosnie et au Kosovo et de façon particulièrement appuyée le génocide russe contre le peuple de la Tchétchénie.

André Glucksmann soutient la fin du régime de Saddam Hussein.

En 2000 André Glucksmann est entré en Tchétchénie de façon illégale, après s’être fait refuser son visa par l’Ambassade de Russie, et y a passé 5 semaines à rencontrer des citoyens civiles tchétchènes, des combattants de la résistance tchétchène et des militaires russes. Il publie ses impressions de la Tchétchénie dans un cycle d’articles dans "le Monde".

Dans deux de ses articles - un avant l’assassinat de Aslan Mashadov, l’autre après et au sujet de l’assassinat du président tchétchène - le philosophe français André Glucksmann compare le sort du président de la République Tchétchène Aslan Mashadov avec celui du Commandant Ahmad Shah Massoud en Afghanistan - les deux des bons stratèges, ayant vaincu l’armée soviétique / russe, les deux ayant fait des compromis avec les extrémistes pour l’unification de la résistance contre l’agresseur extérieur, les deux héros de leurs peuples, les deux - partenaires naturels de l’Occident, afin de préserver l’Afghanistan et la Tchétchénie du chaos et les deux délaissés par l’Occident. Dans ses articles André Glucksmann fait cette comparaison entre la Tchétchénie et l’Afghanistan: la terreur de l’armée soviétique en Afghanistan et de l’armée russe en Tchétchénie crée en réponse du terrorisme.

 

- Est-ce que vous pourriez décrire brièvement ces personnalités remarquables - le commandant Massoud et le président Mashadov?

J’ai été saisi moi par le parallèle de leurs positions. Ce sont tous les deux des combattants indépendantistes. Le commandant Massoud a résisté à l’invasion soviétique de l’Afghanistan, laquelle a duré dix ans et ensuite a résisté aux talibans et aux différentes tendances extrémistes intégristes dans le camp antisoviétique. Donc la position de Mashadov a été sensiblement parallèle, il a été le chef d’Etat Major pendant la première guerre tchétchène, lorsqu’Eltsine a envahi la Tchétchénie. C’est grâce à lui que l’armée soviétique a subi une défaite absolument immense parce que ce petit peuple d’un million d’habitants a forcé l’armée de se retirer de la capitale Groznyï de 400 000 habitants et signer la paix. Donc il y a là un parallèle parce que Mashadov lui aussi s’oppose aux islamistes, ensuite. Il a été élu avec 63% des voix comme président de la République dans une élection contrôlée et certifiée par l’OCDE c'est-à-dire par les puissances occidentales européennes et il a gagné contre Bassaïev qui est devenu depuis un chef extrémiste à tendance islamiste et qui n’avait recueilli à peu près que 20 à 22% des voix. Cette lutte sur deux fronts contre l’envahisseur russe et contre les intégristes musulmans est parallèle, mais ce qui est malheureusement semblable est l’abandon, l’absence d’aide, l’absence d’écho du coté occidental. Quand Massoud est venu à Paris, c’était quatre mois avant son assassinat, c'est-à-dire quatre mois avant Manhattan nous l’avons reçu une petite poignée d’intellectuels, d’ailleurs de droite et de gauche mais il n’a pas été reçu ni par le président de la République, Chirac, ni par le socialiste qui gouvernait, à savoir Jospin, ni même par le ministre des affaires étrangères, donc cet abandon a amené malheureusement à rendre possible l’assassinat des deux - du Commandant Massoud comme de Mashadov.

- L’occident est intervenu contre les régimes des talibans en Afghanistan après le 11 septembre et contre le régime de Saddam Hussein en Iraq, il est intervenu contre les purges ethniques de Milosevic au Kosovo, mais le Tibet et la Tchétchénie sont abandonnés. Comment expliquer cette double mesure, cette indécision d’appuyer Massoud contre les Talibans, le refus d’appeler Mashadov - Président, combattant pour la liberté de son peuple?

Je suis sensible à quelque chose d’extrêmement semblable dans tous les cas, que vous me citez parce que vous me dites que l’Occident, est intervenu en Serbie, certes mais c’est au bout de dix ans, et au bout de dix ans avec 200000 morts et plus d’un million de gens expulsés de chez eux et réfugiés hors des frontières - il s’agit des kosovars. Donc, l’action contre Milosevic il a fallut attendre dix ans. Ce que je remarque ce n’est pas la durée précise équivalente, c’est le refus d’intervenir qui est commun, qui est la première réaction des puissances occidentales. C’est valable évidemment pour l’Afghanistan puisqu’on a laissé les talibans prendre le pouvoir, martyriser les femmes, détruire les œuvres d’art, etc. Il a fallut Manhattan pour que finalement il y ait intervention. De même Saddam Hussein, ça a duré au moins dix ans entre la première guerre du Koweït en 1991 et l’intervention en 2003. Donc, dans tous les cas de figure l’Occident rechigne à intervenir pas seulement parce que c’est toujours risqué une intervention, parce que ça coûte des morts, mais parce qu’il ne s’en soucie pas, parce qu’il a tendance à considérer que, les métropoles occidentales vivent en sécurité et que ce ne sont que là en Afghanistan, en Tchétchénie, en Iraq, que des combats attaviers. Vous savez ce que disait M. Mitterrand lorsqu’il était Président de la République, Socialiste il disait: "Au fond ces populations des Balkans, elles aiment la mort." Donc il ne faut pas s’étonner. Et quand il y a eu le génocide au Rwanda où la France a malheureusement joué un rôle de complice avec les génocidaires Hutus, Mitterrand, le même a dit que: "...bon enfin c’était des choses normales, les génocides c’était habituel en Afrique". Ce qu’il y a de commun c’est le refus total d’intervenir, et même de considérer qu’il faudrait intervenir et ça c’est le grave danger qui menace toujours les républiques nanties des démocraties prospères et avides de dormir en paix. Cela n’a rien de nouveau c’est déjà décrit par les classiques de la Grèce Antique. Simplement le raisonnement qui a servi à justifier l’intervention en Afghanistan après Manhattan me parait devoir être étendu dans ces différents cas de figure car ce qu’a dit Bush et ce qu’ont dit ceux qui ont approuvé une intervention en Afghanistan c’est qu’au fond la sécurité des métropoles occidentales a été solidaire de la démocratie dans les pays périphériques et que la dictature des talibans en Afghanistan ne coûtait pas énormément cher aux Afghans eux-mêmes, mais coûtait en plus les tours de Manhattan. Donc l’idée qu’il y a une solidarité entre le bien-être et la sécurité des métropoles nanties et la démocratie, l’absence de despotisme dans les pays périphériques, cette idée là est une idée neuve, elle apparaît avec Manhattan et je demande qu’on l’étende au cas de la Tchétchénie bien évidemment.

- Quelle est la nature du terrorisme et est-ce qu’elle est unique?

Bien évidemment le terroriste a différents uniformes et différentes figures mais il n’en requiert pas moins une définition unique. Or en fait il y a bataille entre deux définitions et cela date d’il y a très longtemps. La première définition c’est celle de Napoléon, celle de Hitler et celle de Poutine c’est de dire: est terroriste celui qui brandit les armes contre une troupe régulière, donc est terroriste l’irrégulier. Le guerillero espagnol dans la guerre d’Espagne de Napoléon ou le partisan russe pendant l’invasion de la Russie par Napoléon. Même chose pour les paysans qui combattaient en civil l’armée allemande en France et surtout en Russie, ou en Yougoslavie d’ailleurs. Tout ceux-là étaient considérés terroristes, parce qu’ils n’avaient pas d’uniformes et qu’ils n’étaient pas reconnus par un Etat légal. Alors, est terroriste dans ce cas là celui qui m’attaque de façon irrégulière. Ca c’est la définition despotique, autocratique du terrorisme. La définition démocratique et de bon sens du terrorisme est tout à fait différente: est terroriste celui qui use de la violence armée délibérée contre des populations civiles. Deux choses sont importantes dans cette définition, le mot délibéré, parce que des gens qui, sont violents contre des civils il y en a partout et toute police peut à un moment utiliser ses armes à tort contre des civils. Ca s’appelle des "bavures". De même toute armée, aussi juste soit sa cause fera des victimes civiles. Le problème est qu’elle les fasse soit volontairement (prise d’otages etc.), soit involontairement et s’il y a martyre délibéré des innocents nous sommes en présence d’une armée terroriste. Si elle a un uniforme tant mieux pour elle, mais ça ne change rien, des hommes en uniforme qui exercent la terreur d’une façon délibérée en brandissant leurs armes contre des civils, femmes enfants ou adultes sans armes ceux-là sont terroristes et leurs uniformes ni ne changent rien, ni leurs idéaux officiels. Ils peuvent exercer leur terrorisme au nom de leur nationalisme, leur patriotisme, ou bien leur racisme ou bien au nom d’une lutte de classe universelle ou au nom d’une religion cela ne change rien. Le problème c’est le modus operandi, c’est l’action pratique et effective. Terroriser par la voie des armes des gens non armés de façon délibérée voilà la définition à mon avis du terrorisme, celle qui devrait être reconnue par tous les démocrates et dans ce cas là on conclut que l’armée russe en Tchétchénie comme en Afghanistan était et est une armée terroriste.

Cela ne signifie pas qu’en face de cette armée il n’y ait pas de gens qui peuvent dériver dans le terrorisme. La prise d’otage du Théâtre de Moscou ou les enfants de Beslan est une prise d’otages terroriste bien entendu, et qui est donc un crime contre l’humanité également. Il n’y a rien qui soit plus contagieux que le terrorisme.

- D’une façon ou d’une autre vous avez été confrontés à l’empire soviétique. Comment vous considérez les célébrations de la fin de la deuxième Guerre Mondiale à Moscou le 9 mai de cette année, alors que les leaders des pays démocratiques ont applaudi les participants de l’intervention soviétique en Afghanistan, les participants dans les guerres en Tchétchénie, les drapeaux rouges avec le marteau et la faucille, avec la face de Lénine, qui a créé des camps de concentration bien avant Hitler.

Ma réponse est très simple. Il y a dix ans, en 1995 la Russie sous la direction d’Eltsine était déjà en train de mener sa première guerre contre la Tchétchénie la première guerre des années 90; et j’avais fait avec quelques intellectuels une pétition demandant, que les dignitaires occidentaux ne célèbrent pas la victoire sur le fascisme en buvant le champagne avec de généraux qui revenaient de Tchétchénie, c'est-à-dire qui revenaient d’une guerre où ils se conduisaient comme des fascistes. Et cette pétition a par hasard fait cinq colonnes à la une dans Nezavaia Gazeta à Moscou et a été repris en gros par la presse moscovite qui était beaucoup plus libre à l’époque qu’aujourd’hui et du coup ça a été repris par la presse occidentale. Kohl aussi bien que Clinton ont déclaré qu’ils ne participeraient pas au défilé militaire justement parce que sous-entendu ces militaires se livraient en Tchétchénie à des exactions honteuses. A l’époque François Mitterrand non plus n’a pas participé au défilé militaire, c’était lui le Président, mais son successeur était déjà élu et simplement il y avait un mois de passation de pouvoir et Chirac qui était son successeur (ça se retrouvera dans le Monde de l’époque) avait déclaré aux journaux que si ça avait été lui il ne serait pas allé célébrer le 9 mai a Moscou. Alors vous pensez bien que je trouve qu’il y a un recul de la conscience occidentale puisque aujourd’hui tout le monde y est allé de bon cœur, sauf M. Blair, dont il fait reconnaître la retenue même s’il n’a pas donné le motif exact de sa retenue toujours est-il que ce n’était pas un signe de sympathie envers une armée qui massacre les Tchétchènes. Moi j’ai toujours dit très simplement que cette armée russe avait à son blason le fait que c’est la première fois depuis Varsovie 1949 qu’une capitale de plusieurs centaines de milliers d’habitants- Groznyï comptait 400000 habitants, a été rasée par une armée européenne. Varsovie ‘44 est rasée par Hitler en punition de son insurrection, Groznyï est rasé en 2 étapes, ça se finit en Mars 2000 et elle est rasée par l’armée russe en punition de sa volonté d’indépendance. Je trouve que dans cette similitude il y a quelque chose qui devrait retenir les officiels occidentaux de sabler le champagne avec leurs homologues russes car dans ce champagne il y a des gouttes de sang.

- On voit après la chute des idéologies de la violence du XX siècle, une utilisation de la religion comme idéologie de la haine. Est-ce qu’il y a un danger de confrontation entre les religions et les civilisations basées sur elles?

Non. Non je ne le pense pas. Je pense que, les premières victimes des intégristes religieux et en occurrence c’est souvent des intégristes musulmans, islamistes, les premières victimes ce sont les musulmans eux - mêmes. J’ai vu ça pendant 10 ans en Algérie, on peut le constater un peu partout. Je ne pense pas qu’il s’agisse de guerre de religion, je ne pense pas qu’il s’agisse de heurts de civilisations, je pense qu’il s’agit d’une barbarie nihiliste qui est répandue à travers tout ce que vous appelez civilisation et ce qu’on peut appeler monde culturel, que ce soit le monde indou, le monde russe, le monde musulman. Il y a une tentation de nihilisme partout. J’appelle nihilisme, l’idée que tout est permis et qu’il aboutit dans le massacre des civils, mais cette idée là n’est pas nouvelle. Vous connaissez la formule de Dostoïevski qui est toujours un peu cité de façon abrégé "Si Dieu est mort tout est permis", mais chez Dostoïevski, si vous lisez très exactement ce qu’il dit, les premières groupes qu’il appelle nihilistes, que les russes de la grande littérature - Tourgueniev ont appelé nihilistes, ce n’est pas du tout si Dieu est mort parce que il y a beaucoup de religieux dans le groupe nihiliste des "Possédés" ou des "Démons" de Dostoïevski. C’est si est abolie la distance entre Dieu et moi. Soit que je considère que Dieu n’existe pas, donc si Dieu est mort tout est permis soit que je considère que je remplace Dieu. Soit que je considère encore, et c’est là qu’on retrouve les islamistes, que Dieu m’a missionné, m’a donné une mission me permettant de faire tout et n’importe quoi. De tuer les infidèles, de les torturer et de décréter que est infidèle celui qui ne m’obéit pas. Donc que Dieu soit mort, ou que je sois nommé par Dieu comme son lieutenant c'est-à-dire que je sois athée ou que je sois très croyant peu importe c’est la distance entre Dieu et moi qui est abolie, soit au profit de Dieu soit au profit de moi. Et dans ce cas là vous découvrez que, le noyau nihiliste qui consiste à s’autoriser tout et n’importe quelle cruauté ce noyau nihiliste c’est le noyau commun de l’activité des SS - nazi, de l’activité des hommes de fer staliniens, et de l’activité des intégristes musulmans, des bombes humaines. Et aussi de la barbarie des ultranationalistes qui sont partout dans le monde. Donc vous avez ce noyau nihiliste qui consiste à se donner le droit soit au nom de Dieu soit parce que Dieu n’existe pas, mais ça revient au même, se donner le droit d’exercer n’importe quelle cruauté sur une population indiscriminée. Sur les Juifs parce qu’ils sont Juifs, sur les Tutsis parce qu’ils sont nés Tutsis, sur les Ukrainiens parce que ce sont des koulaks etc, etc. Donc ce que j’appelle nihiliste c’est ce noyau commun qui dépasse les frontières géographiques et religieuses. Et c’est le cas aujourd’hui si vous prenez le Docteur Khan celui qui a donné l’arme nucléaire aux Pakistanais vous découvrez qu’il est officiellement un fidèle de l’islam, et même un fanatique - sunnite, mais qu’il trafique avec la Corée du Nord ultra marxiste, qu’il doit trafiquer aussi avec les généraux fascistes du Brésil et de l’Argentine. Qu’il trafique avec l’Iran qui est chiite, ou avec Kadhafi pendant assez longtemps qui est un autre type d’extrémiste. Il y a là une circulation qui dépasse les frontières géographiques, religieuses et idéologiques et qui est la circulation de l’assassinat et du tout est permis terroriste. Alors j’appelle très précisément nihiliste non pas ceux qui disent que Dieu n’existe pas, parce qu’ils peuvent très bien dire que Dieu existe, mais ceux qui de toute façon semblent faire comme si le Mal n’existait pas.

- Quelles sont aujourd’hui les réalités en Afghanistan et en Tchétchénie? Comment vous voyez la responsabilité de l’occident envers ces pays?

L’Afghanistan a été laissé en ruines par les troupes soviétiques, il a été ensuite dévasté par les talibans, et, en train de très, très difficilement bâtir ce qu’on espère être une démocratie. Avec les limites de la situation tragique que traverse l’Afghanistan. Quand à la Tchétchénie c’est une situation absolument catastrophique où non seulement les troupes russes exercent des violences intolérables et absolument pas condamnés par qui que ce soit et en tout cas pas par les tribunaux russes eux-mêmes parce qu’il n’y a eu aucun cas de punition sauf un. Un colonel qui a tué une fille après l’avoir violé, et lui-même il n’est pas encore véritablement condamné parce que son acte est attribué à un incident psychiatrique. Non la situation en Tchétchénie est effroyable, bien pire que la situation que j’ai vu quand j’ai séjourné clandestinement en Juin 2000, tout simplement parce que la politique de la Russie c’est la Tchétchénisation, c'est-à-dire la levée de milices d’assassins et de gangsters sous la direction du jeune Khadirov qui torturent qui prennent des otages d’une façon tellement horrible que même une partie des officiels russes sont horrifiés par leurs alliés. Donc là la situation va vers une disparition des forces vives de la population. Moi je compare ça avec la guerre des Trente ans qui a coûté probablement la vie à 7 Allemands sur dix, tout simplement parce qu’il n’y a pas de programme de génocide. L’armée russe est tellement divisée, tellement indisciplinée qu’elle n’a aucun programme, mais ce qu’il y a c’est que quand une armée a la bride sur le cou, qu’elle est laissée à elle-même, que tout est possible qu’on ne lui interdit rien, et qu’en même temps c’est une armée d’affamés parce que les soldats sont mal payés et très mal traités par leur supérieurs eux-mêmes, et bien cette armée se livre à absolument toutes les exactions possibles et imaginables, c’est devenue une armée nihiliste, qui n’a aucune croyance, aucun principe, aucune idéologie, qui vend ses armes aux résistants, qui les transporte, moi-même je me suis fais transporter alors que j’étais en toute illégalité. Personne ne m’a jamais demandé les papiers, surtout pas les colonels du FSB, qui me voituraient contre des dollars. Donc cette armée qui ne croit en rien et qui se permet tout est une vraie plaie, une peste pour la population qui perd ses forces vives de plus en plus, et c’est là tout l’occident qui approuve tacitement la stratégie des russes, tout l’Occident est parfaitement complice de ce crime.

- M. GLUCKSMANN, vos publications sont émotionnelles et appellent au sentiment moral. Est-ce que le sentiment et la poésie ont leur place en temps de guerre?

Moi je ne me prête pas à des considérations aussi générales. Il y a des guerres il n’y a pas une guerre. Il y a des poésies etc. etc. Simplement je dirais que je n’ai jamais rencontré un peuple aussi courageux, aussi intelligent, aussi brave que le peuple tchétchène, qui lutte depuis trois cents ans contre son grand frère russe. Il a été deux fois quasiment amené à extinction perdant 8 à 9 de ses fils sur dix. Il a été déporté sans exception en ‘44. Et il est soumis aujourd’hui à un double défi. D’une part de résister et de continuer à résister parce qu’il n’a aucune autre issue car même s’il se tait s’il reste caché il est sorti au hasard par des gens de l’armée russe qui martyrise les civils. Et deuxième défi auquel il est soumis c’est de ne pas désespérer, au point de devenir totalement terroriste et c’est le plus grand défi qu’il affronte. Il faut vous dire qu’il y a 100 000 tchétchènes dispersés en Russie, qui ont tous des liens avec leurs proches dans les villages tchétchènes qui sont brûlés et décimés donc tous souffrent, tous sont au bord du désespoir et donc tous pourraient devenir, dispersés dans la Grande Russie, qui vous le savez est un chaos sans nom, ils pourraient tous devenir terroristes. Je trouve que le combat que mènent les Tchétchènes contre le terrorisme des Russes et leur propre terrorisme, est un combat qui est le plus beau, le plus noble, et le plus décisif pour l’humanité au 21 è siècle.

 

 

© Daniela Gortcheva, Marina Ivanova
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© E-magazine LiterNet, 08.10.2009, ¹ 10 (119)