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EXERCICE DE DESSIN OU CONTE DE LA COCOTTE EN TERRE INACHEVÉE

Rossitsa Borkowski

web

"...Regardez la paume de votre main - la gauche si vous dessinez avec la main droite, et inversement la droite si vous dessinez avec la gauche. Serrez les doigts de manière à former un grand nombre de lignes sur votre paume... Réglez le réveil pour qu’il sonne au bout de cinq minutes... Fixez votre regard sur une seule ligne et commencez à dessiner sans regarder la feuille. Du regard, suivez la ligne lentement, très lentement, tandis que le crayon dessine ce que vos yeux voient..."

(Betty Edwards. The New Drawing on the Right Side of the Brain. 1999, p. 89-90).

J’aime suivre des instructions. Elles me donnent la certitude que celui qui les a écrites sait de quoi il parle et est responsable. À ma place. Ma tâche est de lui faire confiance. J’aime faire confiance. Donc, je m’assieds confortablement, je pose la feuille sur la table, je prends le crayon minutieusement taillé dans la main droite et je dirige tout mon être vers ma paume gauche. Elle a toujours été ma préférée, dès l’enfance, où l’on m’expliquait que le monde se divisait en gauche et droite et que, pour la plupart des gens, ce qui était à droite dominait obligatoirement. Je n’aime pas ce qui est obligatoire. Mais je ne le hais pas.

Seigneur, quelle richesse de lignes recelait cette paume à mon insu! Je scrute rarement mes mains. Je les utilise plutôt... Quelle ligne choisir? Peut-être celle-ci, juste en dessous du mont de Jupiter, qui en croise une autre, formant comme une étoile. Il y a bien longtemps, une voyante m’avait dit que cette étoile était signe de bonheur. Je l’ai crue, alors. Maintenant pas tant que ça.

J’effleure du regard, avec précaution, la ligne choisie. Je la scrute. Le bruit de la rue commence à s’éloigner, l’odeur de cuisine des voisins ne m’incommode plus. Tout n’est plus qu’un fond et, peu à peu, je sombre dans la toile d’araignée de ma paume.

La ligne s’embrouille légèrement avant de se dédoubler, de se réunir et de se dédoubler de nouveau. Elle frémit à peine, s’anime et se met à parler. Elle se révèle volubile, comme si elle attendait depuis longtemps qu’on lui accorde un peu d’attention. Elle commence à me raconter Le Conte de la cocotte en terre inachevée Il était une fois une cocotte, qui n’était pas luisante, vernie, pansue et colorée de motifs folkloriques comme les autres. Son couvercle n’adhérait pas de manière à ce que le bon petit plat qui mijote dedans cuise à point et devienne bon, si bon, miam, à s’en lécher les doigts.

Non, notre cocotte à nous avait la forme d’un haricot sec, avec des parois bien droites et un couvercle qui avait décidé, en artiste, de ne pas adhérer. Elle n’était même pas vernie. On voyait à l’oeil nu qu’elle était tout aussi abandonnée qu’inachevée. Mais ce que l’on ne voyait pas à l’oeil nu, c’était le fait que cette cocotte, avant d’avoir été abandonnée, n’avait pas manqué de caresses ni de cajoleries.

- De la part de qui? je demande.

- D’une femme, répond la ligne.

- Oui, mais quelle femme? L’enfant qui est en moi n’abandonne pas si vite.

La ligne comprend que ce conte doit être raconté plus en détail, qu’on ne peut pas le lancer comme ça devant les portes de mon imagination. Mais comme elle est toute ténue et courte, elle se fatigue vite, alors, celle qui la croise prend le relais.

- La femme n’était ni une princesse ni une reine, ni aucun des personnages importants que l’on peut rencontrer dans les contes. Elle était d’âge moyen, l’air las, le visage creusé, l’âme tourmentée. Bref, une femme ordinaire. Et pourtant non. Elle était de ceux que l’on qualifie "d’eaux tranquilles". Tranquilles mais profondes, ajouteraient ceux qui se piquent de connaître un peu les choses de la vie, et ils auraient raison, parce que les gens du type "eaux tranquilles" paraissent superficiels mais ils ne le sont pas.

- Comment s’appelait-elle? je demande à nouveau.

- Tu sais bien, on porte le nom que nos parents nous donnent, sauf que, parfois, ce nom ne fait que nous embrouiller. Lorsque nous venons au monde, nos parents sont encore jeunes et inexpérimentés, et ils ne savent pas trop ce qu’ils font. Mais il ne faut pas leur en vouloir! La femme s’était accoutumée à son nom de baptême mais elle en préférait un tas d’autres. Elle se disait que, de même que chaque jour est différent du précédent, de même elle était différente de ce qu’elle était la veille et elle devait changer de nom en fonction de son humeur: Bleu azur, Sourire d’un ami, Instant avant l’aube... Mais, dans ce conte, elle s’appelle Routchitsa.

- Routchitsa?! Quel drôle de nom! Je ne peux me retenir de m’esclaffer.

- Tu ris par ignorance, répond la seconde ligne avec sérieux. "Routchitsa", cela veut dire "menotte", pour signifier que la femme aimait beaucoup créer avec ses mains. Ton nom doit correspondre à une partie essentielle de ton être. Une fois que tu l’as découverte, tu passes de l’autre côté... des choses. Alors, tu n’as plus rien à pardonner aux autres, ni à toimême.

Routchitsa était passée de l’autre côté mais, avant d’y parvenir, elle avait longtemps erré dans un pays nommé Paperasserie, dirigé par les Paperassiers et les Chefs. En fait, les Paperassiers étaient des arbres ensorcelés par les hommes. Or ces arbres avaient oublié leur origine et, tout comme les janissaires sous le joug turc, ils revenaient sous la forme de Paperassiers et causaient la perte de ceux qui les avaient ensorcelés, c’est-à-dire les hommes.

Quant aux Chefs, à l’inverse, c’était des hommes ensorcelés par les Paperassiers.

- La sorcellerie, quand ça commence, ça n’a pas de fin. Je tente une conclusion pleine de sagesse mais la ligne ne me prête aucune attention et poursuit.

- Et donc, Routchitsa avait erré durant de longues années dans ce royaume, n’arrivant pas à se défaire de l’idée que quelque chose n’allait pas en elle. Les autres arpentaient la Paperasserie en affirmant être heureux. "Ça alors, se dit Routchitsa, il faut croire qu’il y a un grand bonheur caché mais moi, l’imbécile, je ne connais aucune formule magique pour le trouver."

Un jour, alors qu’elle était assise dans le énième bureau et s’efforçait de pondre un "Projet d’entreprise", la énième Chef la convoqua et se mit à hurler pour la énième fois:

"Nous sommes en train de rater tous les délais! Ce sont des clients et de l’argent perdus! Personne ne travaille sérieusement! Il faut que je sois plus stricte avec vous!" Et la Chef montra ce qu’elle entendait pas être "plus stricte": elle prit un collier pour chien imaginaire, avec des piquants, et entreprit de le serrer autour de son cou. Elle serra tant et plus jusqu’à ce que ses yeux deviennent vitreux, qu’elle soit toute rouge, que sa mèche blondie vole à travers la pièce et que des râles sortent de sa gorge. Routchitsa regardait, recroquevillée sur sa chaise.

Une personne extérieure aurait pensé qu’elle acquérait un " savoir". Mais elle se leva et, en "eaux tranquilles" qu’elle était, elle se retira sans faire de bruit du bureau de la Chef. Elle ne revint jamais. Elle avait décidé de tenter sa chance hors de la Paperasserie.

"Et maintenant, où aller?" se demanda-t-elle. Elle ne savait pas quel chemin prendre. Jusqu’à présent, elle avait toujours pris les mauvais, celui que sa mère avait cru être le bon, et l’autre, conseillé par ses amis. "Quel est le droit chemin ?" se demandait Routchitsa, perplexe. "Celui de ton désir profond!" entendit-elle d’une Voix qui, dans les contes, survient toujours au bon moment et incarne l’étincelle divine en chaque homme.

"Mais je ne sais pas ce qu’est mon désir profond!" répondit Routchitsa un peu triste et résignée, pensant que l’ignorance pouvait être une justification. "Sornettes! Tu le sais parfaitement! Tout le monde le sait! Mais voilà, tu es un tantinet paresseuse et bien trop docile! C’est une combinaison qui ne pousse qu’à râler et à s’apitoyer sur soi-même!" rétorqua la Voix avant de se taire. Elle se tut non pas parce qu’elle n’avait plus rien à dire - au contraire! Elle aurait pu parler jusqu’à la fin de l’Éternité (ou son début, ce qui revient au même). Mais c’était une Voix sage et elle garda le silence pour laisser à Routchitsa le temps de bien comprendre ses paroles.

- C’est bien gentil tout ça, mais je suis fatiguée moi aussi, s’écria avec un soupir la seconde ligne qui passa le relais à une troisième. C’est celle que l’on nomme, dans les manuels de chiromancie, la "ligne de tête". Sur ma main, elle est en pointillé et fourchue.

Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire?

- En fait, c’est le moment d’une petite digression consacrée aux mots et au temps, commence la "ligne de tête" d’un ton compétent. Tu crois sans doute que des mots tels que "laisser vieillir", "faire lever" et "mûrir" sont liés respectivement au vin, à la pâte et aux fruits. C’est vrai, mais ils ont tous quelque chose en commun, et cette chose c’est le mot "Temps". Or le Temps, ma mignonne, est synonyme de Sens.

- Elle est finie, la digression? je demande en bâillant.

- Pourquoi personne ne veut se remuer un peu les méninges et voir le lien...

- C’est moi qui continue, intervient avec impatience la "ligne de coeur"; tandis que je la remercie intérieurement: le conte m’intéresse bien plus que le lien entre le Temps et le Sens.

- Ainsi donc, Routchitsa commença à méditer les paroles de la Voix. Un jour, deux, une semaine, un mois, un an. Mais elle ne comprenait toujours pas quel était son désir profond. Elle essayait de penser logiquement. Elle faisait défiler mentalement tous les principes et toutes les règles qu’on lui avait inculqués au fil des ans. Elle se comparait avec des amis, des parents et des personnalités connues. Rien n’y faisait. Ne trouvant pas de réponse en dehors d’elle-même, elle dirigea son regard vers l’intérieur et commença à fouiller dans les tréfonds de son âme. Elle fouilla, fouilla, fouilla encore, remontant jusqu’à l’enfance.

Et là, quelque chose brilla! Un tout petit bout de verre coloré, un clair sentiment de sincère curiosité et d’aspiration à quelque chose. Il jaillit et elle courut à sa suite. Hors d’haleine, ils atteignirent le petit salon de la vieille maison de Routchitsa. Le sentiment la fit s’asseoir devant le poste de télévision Opéra noir et blanc et l’alluma. Puis il se tut et céda la place au souvenir. Le souvenir d’un film. Il passa sous silence l’intrigue du film et n’éclaira qu’une seule scène: celle où deux mains boueuses prennent un morceau de glaise et le jettent sur une sorte de petite table ronde. La petite table se met à tourner, les mains recouvrent la glaise comme pour la réchauffer ou la préserver d’un danger. Ensuite, comme par magie, les mains élèvent la glaise et lui donnent une forme douce.

Les mains de Routchitsa se mirent à frémir à ce souvenir. Secret désir! Elle avait enfin découvert son souhait profond, ainsi que son véritable nom. Elle partit à la recherche fébrile de glaise et de quelqu’un qui pût rappeler à ses mains la liberté de créer. De fil en aiguille, d’ami en ami, Routchitsa atteignit le Temple de la glaise: l’Atelier.

L’Atelier, tu l’as deviné, était ensorcelé. Vu de l’extérieur, il paraissait petit, poussiéreux et dépenaillé, rejeté à l’extrémité de la ville. Mais, à l’intérieur, c’était un palais de formes et de couleurs, une fête pour l’âme errante de Routchitsa.

Là, elle était heureuse et pauvre. Le bonheur, elle l’éprouvait pour la première fois de sa vie, pour la pauvreté, elle y était accoutumée! Quant à ses mains, elles jubilaient. Elles la réveillaient la nuit, toujours désireuses de lui témoigner leur gratitude. Dans la journée, elles pétrissaient la glaise, l’étalaient et faisaient s’élever haut, bien haut l’âme de Routchitsa...

Même comme il arrive souvent, lorsque quelqu’un ose suivre le droit chemin, des milliers de démons se rassemblent et complotent ensemble sur la manière de l’arrêter. Cette fois-ci, les Malins tinrent conseil et décidèrent d’envoyer des tentations à Routchitsa. Ils commencèrent par l’inonder "d’offres intéressantes", rapportant beaucoup d’argent. Elle les déclinait sans cesse mais les démons étaient inlassables.

Un jour, l’une de ces offres fut si tentante qu’en rentrant chez elle Routchitsa sortit sa vieille balance, mit d’un côté la proposition, de l’autre un petit morceau de glaise et commença à peser.

- Qu’est-ce que tu pèses? C’était la Voix qui se faisait de nouveau entendre.

- Tu ne vois pas? Je prends une décision importante, répondit Routchitsa d’un ton pressé. Je pèse tous les "pour" et tous les "contre".

- Ce n’est pas déjà clair?

- Non. La glaise m’apporte le bonheur mais pas l’argent. Or j’en ai besoin.

- Pffou! Tu as besoin d’argent? Tu parles! rétorqua la Voix en se raillant. Tout le monde croit que l’argent est nécessaire et le met à la première place. La richesse ne fait pas le bonheur. Au contraire, c’est le bonheur qui rend riche. Regarde-toi un peu! Tu es agenouillée devant cette balance comme les paysannes au grand marché de Sofia et, tout comme les autres te leurrent, de même tu te dupes toi-même. Tu es aveugle ou quoi? Tu ne vois donc pas que la glaise a la forme de ton coeur?

Routchitsa se frappa le front, se reprocha sa bêtise, déchira la proposition et relégua la balance au grenier. Puis elle prit le morceau de glaise, le fourra dans sa poitrine et se coucha, la conscience tranquille. Avant de s’endormir, elle adressa une prière qui exprimait sa sincère gratitude à la Voix: "Je te remercie, Voix de l’Amour et de la Vérité ! Protège-moi de tout et de tous, et surtout de moi-même!"

Le lendemain...

- C’est moi qui continue! intervient la "ligne de Vie", or qui pourrait lui refuser?

Le lendemain, un vieil ami de Routchitsa vint à l’Atelier et la pria de lui faire une cocotte en terre. Spéciale. "Au fond, on écrira la recette du kapama1 qu’une petite vieille de Véliko-Tarnovo m’a donnée. On va se réunir entre vieux amis, expliqua l’homme avec animation et en arpentant énergiquement l’étroit Atelier ; et pendant que le kapama mijotera, on se boira un bon petit vin, on chantera des chansons de Macédoine et ce sera la fête..."

Routchitsa le regarda et sentit ses mains prises par l’inspiration.

Elle commença à pétrir la glaise. Elle fit d’abord la base puis elle érigea les parois et termina par le couvercle. Elle travailla durant trois jours et veilla trois nuits. Et pendant tout ce temps, elle n’arrêtait pas de caresser et de bichonner la future cocotte de l’amitié et de l’harmonie. Elle n’était pas parfaite, si tu te rappelles le début de l’histoire, mais Routchitsa lui parlait tendrement, lui chantant même des chansons de Macédoine. Ensuite, lorsqu’elle fut bien sèche, elle la déposa dans le four. Elle la fit cuire et attendit que l’homme à la recette fasse son apparition pour pouvoir l’inscrire au fond, avant de vernir la cocotte et de la remettre au four...

Mais l’homme avait disparu. Il avait dû se perdre dans les tréfonds de la Paperasserie.

Routchitsa rangea pendant un certain temps la cocotte et ses espoirs, puis elle les mit de côté et ils commencèrent à prendre gentiment la poussière d’un rêve non réalisé.

Un jour, la Femme du Canada fit irruption dans l’Atelier. Elle se mit à fureter, en quête d’un souvenir. Elle arrêta son choix sur un objet, puis un autre.

- Oh! C’est quoi?*

- C’est un gjuvech, répondit Routchitsa.

- Mais non. Je connais bien gjuvech. C’est autre chose, insista la Canadienne.

Routchitsa fut contrainte de lui raconter en quelques mots l’histoire de la cocotte. Aussi bien l’objet que l’histoire plurent à la Canadienne qui les emporta et s’envola pour sa lointaine patrie.

Un mois à peu près passa et Routchitsa reçut une lettre. Du Canada. Avec une photo dans l’enveloppe. Sur la photo, la Canadienne était avec des amis. Tous avaient un verre à la main, riaient, l’air réjoui - de leur amitié? De leur vie? ... Et, devant eux, sur la table, trônait la bonne vieille cocotte remplie de... fleurs. Beaucoup de fleurs, des toutes menues, bigarrées, joyeuses, c’était sans doute une espèce canadienne...

Piou-piou... J’entends l’alarme de mon réveil. Je n’ai pas senti les cinq minutes passer! L’exercice de dessin a pris fin. Oh, oh, ces lignes avec leurs histoires m’ont 1 Plat de légumes mijotés en cocotte (N. d T.) ensorcelée et j’ai complètement oublié ma main droite qui a docilement dessiné pendant tout ce temps. Je regarde mon oeuvre. Ha, ha, ha! Sur la feuille, je vois des lignes onduler, elles ne savent ni d’où elles sont parties, ni où elles se dirigent. Elles sont bien loin de la réalité de ma main gauche et du conte. Elles se sont créées leur propre univers. "Quel peintre vais-je me révéler?" me dis-je un peu déçue. Mais, dans le manuel, je lis:

"Regardez maintenant votre dessin: des lignes griffonnées chaotiquement. Vous allez sûrement penser: "Quelle pagaille!" Mais regardez de plus près et vous verrez que ces zigzags ont une étonnante beauté..."

Je scrute de nouveau mon "dessin". Plus je le fixe des yeux, plus il me plaît. Je découvre des figures, des visages, des fleurs. Il en va parfois ainsi de notre vie, n’est-ce pas?

Nous croyons que c’est un véritable capharnaüm, un zigzag, une cocotte inachevée, mais ensuite, lorsque le Temps a fait vieillir, lever et mûrir toute chose, nous découvrons que tout ce dont nous avons besoin fleurit dans cette cocotte: amitié, harmonie, bonheur et amour.

 


* Les phrases en italiques suivies d’un astérisque sont en français dans l’original. [en arriere]

 

 

© Rossitsa Borkowski
© Marie Vrinat-Nikolov, traduit du bulgare
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© E-magazine LiterNet, 13.05.2006, ¹ 5 (78)